que le spectacle commence !

L'obscurité nocturne a doucement envahi le petit village. Toutes les batisses sont silencieuses, de la plus modeste chaumière jusqu'à l'imposant manoir de Monsieur le Marquis. Tous les habitants se sont réunis sur le pré communal où s'est installé...un cirque.

Ils sont arrivés ce matin, ces étranges saltimbanques, dans un cortège d'une dizaine de roulottes. Poussiéreux, les traits tirés, certains même portant bandages et atteles, ils ont quand même fait l'effort de sourire aux adultes et de lancer quelques friandises aux enfants.

Une fois la caravane arretée devant l'auberge, un étrange personnage, coiffé d'un haut de forme, descendit de la première roulotte pour entrer dans l'auberge, suivi de près par une centauresse a l'accorte poitrine portant sur sa croupe un chat engoncé dans une armure resplendissante.

Les rejoinrent dans la taverne peu de temps après une jeune fille aux chausses multicolores avec deux souris perchées sur ses épaules et un personnage au grand chapeau emplumé, tenant mandoline et quelque peu titubant....

Les villageois s'assemblèrent peu à peu sur la place. D'abord timidement, silencieusement, puis, souriant aux pitreries des artistes restés dehors, ils s'approchèrent alors plus franchement, en prenant garde, toutefois, à rester à bonne distance des griffons et du petit dragon.
Commentaires et rires étouffés commençaient à s'élever quand la porte de l'auberge s'ouvrit, livrant passage au maire et aux saltimbanques.

"Mes amis" clama Maitre Antoine, aubergiste et maire du village. "J'a autorisé ces sympathiques artistes à s'installer dans l' pré communal, à la sortie du village et à donner c' soir même une représentation ed' leur spectacle c' soir même, ici, sur la grand'place à la nuit venue ! Le Cirque Kundalini qu'y s'appellent et l'gars avec son haut chapeau, l'est Ombre, el'chef !"

Le gars au haut chapeau s'avança, leva sa canne d'ou jaillit soudain une pluie d'étincelles. Une fois que cessèrent les "oh !!" et les "ha!!!" , il prit la parole :

"Mesdames & Messieurs ! Belles jeunes filles et vaillants jeunes hommes !! Joyeux marmousets et jolies poupées ! sages anciens et sympathiques matronnes !! Votre bien aimé maire nous a autorisé a vous livrer notre spectacle !! Dès la nuit tombée, dans le chapiteau,vous assisterez de vos yeux éberlués à une magie, une féérie à nulle autre pareille ! Vous rirez avec nos clowns ! vous tremblerez de peur face à nos griffons et nos squelettes ! vous plongerez dans un univers envoutant, vous passerez de la joie à l'effroi ! Vous vous forgerez des souvenirs pour mille ans de vie ! Ce soir ! et pour une somme plus que modique ! paiement en nature acceptés ! Laissez nous le temps de nous installer et comme je vois à vos trognes épanouies que vous êtes tous des braves gens qui allez nous aider à monter le chapiteau et à panser nos bêtes, je vous promet que si on arrive à vite s'installer (avec votre assistance) et si nous parvenons a nous restaurer et à nous désaltérer (grâce à votre générosité)..... Nous vous offrirons une parade majestueuse en fin d'après midi dans les rues de votre bourgade pour la plus grande joie de vos enfants... !!! Mes amis, a ce soir"

Puis, après une dernière etincelle, le Monsieur Loyal grimpa dans son charriot, suivi de ses amis. Les attelages s'ebranlèrent et paresseusement s'avancèrent vers le pré à la sortie du village, suivis de près par une multitude d'enfants braillants.

Clelia n’est pas remontée dans sa roulotte. Elle préfère marcher à coté de la file d’attelages jusqu’au pré que le maire leur a assigné. Pour les longs voyages, la roulotte est pratique, bien qu’elle donne le mal de mer, mais pour à peine une demie lieue, elle ne sert à rien et Clelia préfère regarder avidement le village et les gamins qui les suivent d’un air joyeux.
Kinyon est resté sur son dos et fait quelques galipettes pour les amuser.

Soulagée d’être arrivée, Clelia se laisse aller à la rêverie. Le Cirque a prospéré. Quelques artistes n’ont fait que de brefs passages, et ils déplorent encore le départ de Mea, leur clown si mélancolique. Pincement au cœur.
Mais la plupart des membres de la troupe forment un groupe soudé et le spectacle est maintenant impressionnant, surtout quand le barde est à jeun.
Dioddon… mais il n’est pas reparu après leur passage à l’auberge ?!
Il faudra aller le chercher.

Le pré apparaît. Des villageois sont venus aider. Les saltimbanques ne sont pas dupes : voir en premier le dragon et certains points d’anatomie de Clelia, la centauresse, ou de la jeune Pearl, la dresseuse de griffons, voilà leur motivation première !
Tout le monde s’active et une exclamation s’échappe déjà de derrière le chapiteau qui s’élève : Le petit dragon a éternué et voilà un tas de cordages qui flambe…
Voilà les jeunes vauriens du village moins enclins à l’approcher pour impressionner la compagnie.
Le moment de dresser le chapiteau est un moment calme pour Clelia, qui se contente de parcourir avec indolence le campement. Ombre et elle l’ont remarqué, si elle rentre dans sa roulotte aux moments des préparatifs, les villageois rentrent également chez eux. Alors elle reste et joue de son charme. Cela l’amuse de voir les jeunes fermiers tenter de rivaliser de force avec leur barbare briseur de chaînes, ou d’adresse avec leur lanceur de couteaux. Mais cela fait avancer les choses plus vite.
Clelia a fini par comprendre que son corps pouvait être un outil de persuasion très efficace. Elle a mis du temps à ouvrir les yeux mais à force d’observation et de patience, elle pense aujourd’hui avoir fini par savoir deviner ce qu’il se passe parfois dans la tête des hommes. Pas tous bien sûr… Cela lui semble parfois trop simple, trop facile, il doit bien y avoir des subtilités, non ?
Elle gratouille affectueusement Kinyon qui se trémousse d’aise. Des soupirs envieux s’échappent de quelques gorges. Clelia sourit. Kinyon aussi.

Les roulottes sont disposées en cercle. C’est l’heure pour les troubadours de se changer et de se préparer pour la parade et le spectacle.
La centauresse va enfin se changer. Elle a acheté de nouveaux bijoux et des bracelets qui cliquètent agréablement lors de son numéro de jonglage. Balles multicolores pour la parade, couteaux, flambeaux et cercles argentés pour le numéro du soir : son matériel est prêt.
Un peu de paillettes sur e corps et les sabots, et elle enfile sa tenue de scène : un caraco de soie mordorée très ajusté, avec des lacets. Elle n’arrive jamais à le serrer toute seule, mais Ombre s’est proposé pour l’aider dans cette tâche. Un petit rituel juste avant la parade.

C’est l’heure. Elle rejoint Ombre à l’entrée de sa roulotte. Elle mijote quelque chose, elle tente de le cacher mais son sourire est trop large pour être honnête. Ombre la regarde d’un air méfiant mais arrange les lacets sans mot dire.
Elle se décide, et lançant une œillade appuyée à Ombre, lui demande en minaudant :
- Peut-être pourrais-je tester ici mon nouveau numéro… Tu sais… la danse des sept voiles, il est très au point maintenant… J’ai pensé que nous pourrions placer ce… numéro… à la fin du spectacle, après celui du nécromancien, pour rasséréner tout le monde et que chacun rentre chez soi les yeux plutôt pleins de romance que d’effroi.
Clelia sort un foulard de soie chatoyante qu’elle tenait serré dans le sac des balles de jonglerie et joue pensivement avec, avant d’en chatouiller Ombre avec malice :
- Alors chef, n’ai-je pas de bonnes idées ?

Ombre prit une teinte fort peu en adéquation avec son nom tant elle etait vive et éclatante

- "Euh hem.... très bonne idée ! mais euh.... comment dire..... en tant que directeur artistique, je crois qu'une démonstration préléminaire s'avere indispensable, loin de yeux indiscrets.... je te dirai alors ce que j'en pense.... non ? mieux vaut que j'en profite...je veux dire que je juge... tout seul ...avant de lancer le numero auprès du public, non ? A hem.... fait chaud ici, non ? ya pas comme un microclimat ? non ? ah!?..... "

La centauresse cacha un sourire derrière le fameux foulard.
- " Un numero pour un seul spectateur ? n'est-ce pas tendancieux ? on pourrait jaser..... Je vais y réfléchir... à l'ombre"

Elle s'éloigna alors de sa demarche dansante en laissant négligemment choir le foulard sur le sol... A charge pour le Monsieur Loyal de le ramasser.... et de le garder dans ses mains jointes, le regard quelque peu embué.

De longues miutes plus tard, le directeur du cirque s'ébroua et partit voir où en étaient les artistes.
Les roulottes étaient parquées en cercle, le chapiteau était dressé.
Lorsque les artistes furent rentrés dans leurs habitations respectives pour se préparer, les villageois s'étaient éloignés. Ils devaient, à l'heure qu'il était, attendre la parade dans la rue principale du village.

La parade est un moment délicat : il faut montrer suffisamment pour donner envie au public de venir contempler le spectacle du soir mais point trop pour ne pas risquer de donner l'impression aux spectateurs d'avoir tout vu. Or les artistes sont des cabotins qui, pour un sourire ou une exclamation, sont prêts à dévoiler leur meilleurs tours...

Ombre parcourut rapidement le campement en toquant sur les portes des roulottes, signal pour les amuseurs de se mettre en place.

Sans regarder en arrière, Ombre se plaça à l'entrée du pré. Il apercevait, par delà le pont, les premières maisons de la bourgade et les premiers villageois qui attendaient. Avec un peu de chance, les villages alentours avaient été prévenus et leurs habitants s'étaient déplacés. Il distingua, près de l'auberge, un carrosse arreté : probablement le noble local que le maire s'était empressé d'avertir.

Un coup d'oeil par dessus son épaule : Clelia était juste derrière lui, le chat acrobate sur son dos. La jeune dresseuse tenait fermement ses griffons. Pour l'occasion, Liche, le nécromancien, avait sorti du placard un squelette point trop mal en point. Pour désamorcer son coté horrible, il l'avait affublé d'un chapeau ridicule, sans doute emprunté à Schtrow.

- " Kinyon, s'il te plait, si tu pouvais, discrètement, pendant la parade, t'absenter pour récuperer notre pochtron de ménestrel ?.... Vous êtes prêts ? Allons-y ! Montrons leur nos tours ! Qu'ils soient suffisamment allechés pour que nous ayons réunis, ce soir, sous notre chapiteau, tous les villages de la vallée !! "

Le baton d'Ombre lança un éclair. Pearl fit hurler ses griffons. Une exclamation fusa du village. Le cortège s'ébranla. La parade commençait..

La parade est terminée. Le public fut nombreux lors du défilé et laisse présager un chapiteau rempli pour le soir.

Certains artistes, fatigués, ont regagné leurs roulottes mais la plupart ont accepté l'invitation du maire aubergiste à gouter l'hydromel local...

C'est une joyeuse ambiance qui règne dans la taverne. Les artistes, cabotins en diable, font assaut de pitreries et de bons mots. Il y a autant de villageois a l'intérieur de l'auberge qu'à l'extérieur, le nez collé aux vitres. L'atmosphère est fort bruyante entre les exclamations ravis des enfants a chaque lueur émise par un des blobs magiques de la minuscule Eraendil, les vocalises de Dioddon, les petits cris de gorge des villageoises en réponse aux plaisanteries de Liche et Darksidor et les rodontonnades viriles des fermiers entourant Clelia.

Ombre a invité, dans un langage ampoulé et tarabiscoté, le marquis et sa famille à assister à la représentation. De nombreux sous entendus, pas toujours très lègers, sur le mécenat et la bonté proverbiale de la noblesse furent glissés dans ce discours fleuri. Discours qui fut fort apprécié malgré les clins d'oeil egrillards et fort peu discrets lancés par Gunthar le barbare à la fille du sang bleu.

Son devoir protocolaire accompli, Ombre s'est retiré dans un coin de la salle et contemple, pensif, ses artistes s'amuser avec les villageois.

Brusquement, la porte de l'auberge s'ouvre et le brouhaha regnant laisse place à un silence stupéfait. Tous les yeux, y compris ceux des artistes, se dirigent vers l'entrée dans laquelle s'encadre un nain barbu et fort chargé.

"XIII ! notre nain à nous ! notre mécène et protecteur !! " s'exclame, ravie, la troupe d'artistes !!!

Ils sont en tournée dans ce bourg?

Une affiche pend, se tordant doucement dans le vent du soir. Elle annonce le passage de ses amis, la fameuse troupe. La troupe Kundalini.

Le hasard fait bien les choses, mes pas m'ont mené jusqu'ici. Une longue promenade de santé, pour chasser la poussière de mes bottes et de mes poumons fatigués.Je constate au fur et à mesure de mes foulées que le plaisir de la marche revient, et que mes sens, longtemps engourdis après mon accident, s'aiguisent. Un sourire radieux illumine mon visage : Amandine2 est heureuse et son bonheur est contagieux!


Arrivé devant l'auberge, je sens l'ambiance au beau fixe par le joyeux brouhaha qui s'en échappe. Ils sont là. J'en suis sûr. Je le sens! Me glissant entre les badauds qui se pressent au dehors, j'atteinds la porte que je pousse. Le silence s'établit soudain. Un choeur enthousiaste rompt le malaise :

XIII ! notre nain à nous ! notre mécène et protecteur !!

Bonsoir à tous ! Je passais par là et je me suis dit ... ils vont manquer de bière. Tournées pour tous !!, dit le nain en poussant des tonnelets de liquides ambrés.

XIII s'approche peu à peu d'Ombre et lui glisse plus ou moins adroitement un papier dans la main avant de se faire entraîner par la foule festive.

Citation :

Vos commandes sont arrivés ... avec un cadeau pour chacun d'entre vous. J'espère ne pas m'être trompé !

A ce soir, après la représentation.

Gotrek