La où tout commence... et tout s'achève

Quand tout a commencé, nous ne nous sommes aperçu de rien.
Des petites choses. Insignifiantes.
Un câble soutenant la toile du chapiteau a cédé. Malchance ?
La roulotte contenant le fourrage des chevaux a brûlé. Coïncidence ?
Après le départ soudain autant qu'inattendu de notre barde, certains membres de la troupe, les plus crédules et les plus faibles, ont commencé à parler de mauvais œil.
Bien sûr, je n'accordai aucun crédit à ces allégations farfelues, et en bonne régisseuse, je continuai à assumer mes fonctions, à organiser les tournées avec Ombre.
Ombre.
Ombre qui devenait de plus en plus taciturne, s'enfermant dans sa roulotte des heures et parfois des jours. Ses harangues lors des parades n'étaient plus aussi enthousiastes. Quel mal le rongeait ? Il s'enfermait dans le silence si nous osions le lui demander. Nous étions tous inquiets. Nous avions tant besoin de lui. Je le sentais douloureusement s'éloigner de nous, s'éloigner de moi.

Mais nous faisions face. Nous parvenions à assurer le spectacle.

Puis le lanceur de couteaux a disparu. Aucun signe avant-coureur, aucune explication. Il avait laissé toutes ses affaires dans la roulotte qu'il partageait avec un funambule et n'avait laissé aucun message de quelque nature que ce soit.
Incrédules, nous voyions notre troupe s'amenuiser, sans être capables de l'expliquer, sans pouvoir rien y faire.

Ces premiers temps de l'ère du malheur ne furent rien comparés à ceux qui devaient suivre.

Ainsi, alors que jusqu'ici les villages étaient ravis de nous accueillir, s'évertuaient à nous plaire, nous dûmes essuyer quelques rebuffades.
"Pas de ça chez nous" disait le prévôt.
Etonnés mais non point découragés, nous nous installions dans le village suivant, et parfois encore celui d'après, où pourtant nous ne rencontrions plus la même ardeur que par le passé.
Mais peut-être n'était-ce qu'une impression issue de notre propre lassitude, de notre propre inquiétude quant à l'avenir.
Nous ne parvenions pas à remplacer les artistes qui quittaient la troupe.
Notre spectacle s'appauvrissait, tout comme nous, et les incidents continuaient.
Le griffon mâle tomba malade. Fait exceptionnel pour ces animaux extrêmement robustes.
Ombre, sortant pour un temps de sa torpeur, passa plusieurs jours d'affilée auprès de lui, aux côtés d'une Pearl désemparée. Et il parvint à le guérir, bien que ni la nature ni l'origine du mal ne furent identifiées. Je crûs pourtant l'entendre marmonner le mot "poison" quand il regagna, l'air sombre, sa roulotte, de nouveau las et semblant porter un fardeau de plus en plus lourd.

Kinyon et moi passions de longs moments auprès du feu. Sans mot dire, n'osant pas évoquer l'évidence.
Le Cirque était menacé. Par qui ? Par quoi ?
Si ce n'était des mortels, le destin en tout cas semblait en avoir décidé ainsi.

Tout avait commencé de façon diffuse. Quelques accidents…. De soudains silences lorsque nous pénétrions dans une taverne. Les sourires crispés de certains amis. Des regards soupçonneux d’aubergistes.
Puis le Barde nous quitta. Brusquement. Sans explication.

Je cédai alors, peut être avec une certaine complaisance il est vrai, à mes coutumières humeurs noires. J’étais maudit…. Encore une fois, je provoquais la perte d’innocents et braves artistes….
Je ne sortais de ces périodes de mélancolie que pour sombrer dans la plus ténébreuse des paranoïa : et si l’un d’entre nous sabotait le cirque ? Pourquoi le chat me regardait avec cet air chafouin ? N’était-ce pas un sourire condescendant que j’apercevais sur les lèvres de Pearl ? Et pourquoi l’équilibriste restait si silencieux ? La seule que je ne soupçonnais c’était ma jongleuse, Clélia.
Clélia..Pauvre Clélia… Centauresse aux multiples talents. Nymphe parée de tous les charmes de la Nature. Diplomate infatigable, ambassadrice zélée du Cirque… Je la voyais souffrir, douter, se démener.
Lorsque ces grands yeux liquides se posaient sur moi, plein d’interrogations, de chagrin et d’inquiétude, je me sentais minable, si minable de lui infliger tout ça. Clélia, ma chère jongleuse, ma compagne des premiers jours, l’âme de ce cirque, que je suis désolé de te faire autant de peine.

Je tentais bien de me secouer, de retrouver mon enthousiasme d’antan.. Mais c’est alors qu’un évenement se produisait : un essieu qui se rompt alors que le maréchal ferrant venait de le réparer. Une auberge qui nous refuse des chambres alors que la salle commune est déserte….
De tous ces incidents, je ne voulais voir qu’une chose : j’étais damné et je condamnais les autres à une vie misérable.

Cet état d’esprit changea lorsque le lanceur de couteau disparut, laissant toutes ses affaires…. Lorsque Zabuza le funambule vint nous avertir de son absence, je crois que la même idée nous vint à tous les trois, Clélia, Kinyon et moi… Mais chacun d’entre nous, pour ne pas alourdir cette atmosphère délètère de tristesse gardât ses pensées pour lui.

Avant la représentation, alors que mes artistes se préparaient, je filai dans la roulotte du lanceur de couteau chercher des indices, des traces… Que m’attendais-je à découvrir ? des traces de lutte ? Des minuscules tâche de sang ? Je ne touvais rien, rien qu’une banale absence…

Lorsque le griffon de Pearl tomba étrangement malade, je sus. Mais je ne dis rien. Pour quelles raisons ? Ne pas inquiéter mes amis ? Masochisme ? Complaisance à boire le calice jusqu’à la lie ? A être encore une fois victime du destin ?

Mais en voyant la mine anxieuse de Pearl, les petites mains d’Eraendil qui nerveusement se tordaient, je ne pus me taire : la vie de ces gamines étaient en danger.

Au cours d’une morne soirée, où chacun, comme nous en avions pris l’habitude, restait enfermé dans ses pensées, je pris alors la parole :

« Quelqu’un, quelque chose veut nous éliminer »

Je ne m'était tout d'abord rendue compte de rien...probablement par inconscience. Mais les cables qui nous lachaient brusquement et les roues de l'une des roulottes etrangement brisées ne faisaient partie pour moi que des risques du métier...

Je commençai à m'inquieter lorsque les premieres portes commencèrent à se fermer sur notre passage et lorsque je vis, dans le regard des parents accompagnant leurs enfants, une mefiance inconnue jusqu'alors. Deplus, même dans les villes qui acceptaient de nous acceuillir, je voyais le nombre spectateurs diminuer à vue d'oeil...

Le moral fut au plus bas dans la troupe lorsque des artistes commencerent a disparaitre... La seule chose qui réussissait encore à me rendre le sourire c'était les enfants, le simple fait de voir ou d'entendre un enfant rire faisait revenir tant de souvenirs chers... Mais l'atmosphère du cirque devenait insoutenable, tout le monde commenca a soupsonner tout le monde...Je dois avouer que je n'étais moi-meme pas rassurée lorsque j'étais seule en présence de l'un des autres artistes...

Mais tout bascula pour moi lorsqu'un matin alors que j'allais comme tout les jours m'occuper de mes griffons, je decouvris le mâle malade... Ce fut pour moi un enorme boulversement depuis que je les avait,il n'avait jamais été malade...un griffon n'est d'ailleur jamais malade sans une excellente raison...qu'avais-je put faire pour qu'il soit dans un état pareil...Je courrut chercher Ombre et nous avons passé plusieurs jours à le soigner avant qu'il ne guerrisse...Ombre gardait cependant un air soucieux et je compris que je n'étais pas responsable...

Peu de temp après Ombre nous rassembla tous

Citation :

« Quelqu’un, quelque chose veut nous éliminer »

A ces mots, je fremis mais au fond je n'étais pas réellement étonnée...Et j'étais quelque peu rassurée aucun de nous n'etait responsable de ces actes...